MANIÈRES DE VOIRE

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L’agriculture urbaine en Afrique: un potentiel vivrier sous-exploité face à l’insécurité alimentaire

Aujourdhui, la moitié de la population mondiale est concentrée dans les centres urbains. Cette forte croissance urbaine est encore plus perceptible en Afrique particulièrement en Afrique subsaharienne. Certes, ce boom démographique est un atout majeur pour les économies locales mais il pose de véritables enjeux de développement. En effet, plongée depuis plusieurs décennies dans des crises agricoles majeures et récurrentes, lAfrique subsaharienne est marquée, en ce début de 21ième siècle, par une situation dinsécurité alimentaire généralisée, aussi bien dans les campagnes que dans les villes. Et cette situation risque daller de mal en pie à cause de la faiblesse des ressources des États et la forte croissance démographique enregistrée ces dernières années. 

Malgré tout cela, lAfrique subsaharienne a les moyens de sortir de cette spirale de crises économiques dont les causes sont à chercher dans linexistence de politiques et programmes agricoles adéquats au sein des différents États dune part et à l’échelle du continent dautre part. Ceci se traduit par la non prise en compte de plusieurs secteurs dactivités qui sont en mesure de participer à lautosuffisance alimentaire dans ces pays. Cest le cas de lagriculture urbaine qui, contrairement à son caractère de mouvement social auquel elle est assimilée dans les grandes métropoles des pays riches, est une véritable économie dans les villes dAfrique subsaharienne. C’est ainsi que l’agriculture urbaine est définie en Afrique comme une variété dactivités agricoles et pastorales pouvant prendre place dans les limites ou en périphérie des agglomérations urbaines (Smith et al., 2004). Et c’est dans cette proximité avec la ville que cette activité tire ton son potentiel économique dont les impacts vont au-delà même des frontières des grandes agglomérations africaines.

En effet, lagriculture urbaine occupe aujourdhui une place prépondérante dans l’économie des pays africains. En plus de participer à la réduction de la pauvreté en procurant dimportants revenus aux exploitations familiales et à la réduction de la balance commerciale des pays concernés grâce aux exportations de ses productions, lagriculture urbaine constitue de nos jours le principal grenier agricole de plusieurs villes africaines en dehors des céréales en assurant une part importante de leurs besoins en légumes et autres produits agricoles. Cest le cas à Dakar (Sénégal) où cette activité assure à hauteur de 70 % la demande en légumes et où sa composante avicole représente 33 % de la production nationale soit entre 65 % et 70 % de la demande du pays (Mbaye, 1999). Cest la même tendance quon observe dans dautres villes dAfrique subsaharienne. À Dar-es-Salam (Tanzanie) tout comme à Bissau (Guinée Bissau), cest 90 % de la demande en légumes feuilles qui est assurée par lagriculture urbaine contre 100 % de la demande tous légumes confondus à Bamako (Mali) (Akinbaminjo, 2002). À Kampala (Ouganda), cest 70 % de la demande en viandes de volailles et œufs qui est satisfaite par lagriculture urbaine contre 50 % à Bamako (idem) et 60 % à Cotonou (Bénin) (Guèye & al., 2009).

Par ailleurs, lagriculture urbaine est un secteur avec un fort potentiel demplois dans un continent où la moitié de la population âgée de moins de 25 ans est confrontée à un chômage endémique. Les emplois créés aujourdhui par lactivité agricole en milieu urbain se chiffrent à des dizaines de milliers à l’échelle du continent et ceux-ci ne cessent daugmenter à cause dune part du fort taux de chômage dans toutes les villes africaines et dautre part de lattractivité économie de cette activité. Cest ainsi qu’à Ouagadougou (Burkina Faso),  45 000 emplois directs et indirects sont attribués à lagriculture urbaine (Ouedraogo et al., 2009) contre 15 000 emplois directs et 35 000 emplois indirects à Dakar (Mbaye, 1999). En Afrique centrale, 12 500 familles actives dans le maraîchage sont dénombrées à Yaoundé au Cameroun (T. Dongmo & al., 2004) contre 10 000 maraîchers à Kinshasa (R.D du Congo) (Dieudonné & al., 2011).

Ces chiffres révèlent toute limportance économique et sociale de lagriculture urbaine en Afrique. Malheureusement, le poids de cette activité dans l’économie des pays africains est manifestement sous-coté au détriment de lagriculture rurale. Et cela se manifeste par la non-prise en compte de cette activité dune part dans les politiques publiques agricoles et dautre part dans les politiques daménagement urbain. Ainsi, pour faire face à l’explosion des projets immobiliers au détriment des zones agricoles urbaines, il est urgent d’élaborer des politiques publiques visant à encadrer le développement et la pérennisation des activités agricoles dans les villes africaines.  Sinon, malgré les fortes productions et les milliers demplois générés, lagriculture urbaine risque de disparaître un jour dans la plupart des grandes métropoles africaines.  Ce qui ne fera quamplifier les crises agricoles dans lesquelles lAfrique subsaharienne est empêtrée depuis plusieurs décennies. Et à lheure où on cherche des réponses à la question: comment nourrir les populations africaines?, lagriculture urbaine offre à coup sûr de véritables pistes de réflexion. 

 



19/11/2014
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